Causerie mensuelle du CIRA-Marseille.
Dans la presse, chez les militants de gauche ou les politologues, on
parle beaucoup des exploits des combattants et combattantes kurdes.
Pourquoi réussissent-ils, là où les autres échouent ? Parce qu’au-delà
de la défense de leur identité, une idée nouvelle leur fait espérer un
autre futur : le confédéralisme démocratique. Et de cela, on ne parle
pas.
Au début des années 2000, le Parti des travailleurs du Kurdistan
(PKK) abandonne le marxisme-léninisme et son ambition de construire un
État-nation kurde. Il adopte alors l’idée et la stratégie du
confédéralisme démocratique pensé par son leader, Abdullah Öcalan,
lui-même fortement influencé par le municipalisme libertaire du
philosophe américain Murray Bookchin qui place l’écologie sociale comme
moteur de la révolution. Les organisations de la société civile
(associations, syndicats, coopératives, communautés ethniques et
religieuses, partis…) se mettent en réseau sans que leur stratégie
n’exclue la conquête de municipalités et l’élection de parlementaires.
Le but est de marginaliser l’État et finir par le rendre inutile, tout
comme le capitalisme. Le confédéralisme démocratique ne se limite pas au
Kurdistan, il a une vocation universelle.
En Turquie, le PKK souhaitait abandonner la lutte armée pour se
consacrer à la fédération, déjà bien engagée, des communautés kurdes
dans le cadre d’une nouvelle constitution turque. Le processus de paix
ayant été rompu en 2015 par le gouvernement turc, une lutte acharnée se
poursuit sur les terrains militaire, social et politique.
Au Nord de la Syrie, le Rojava, sous contrôle du Parti de l’union
démocratique (PYD), s’organise selon l’autonomie démocratique, phase
préalable au confédéralisme démocratique. Un « gouvernement » appelé
auto-administration démocratique assure la gestion de la région. Ce
pouvoir se dissoudra-t-il dans la société civile confédérée ou
maintiendra-t-il un État ? Dit autrement, le fédéralisme libertaire
sera-t-il assez fort pour vaincre le fédéralisme politique mis en place
et justifié par la conduite d’une guerre incertaine ?
Tout n’est pas parfait au Rojava, l’État n’a pas disparu, la
démocratie directe est loin d’être générale, et le fédéralisme
libertaire des communes auto-administrées balbutie. Cependant,
trouve-t-on ailleurs une telle volonté radicale de changement dans un
contexte politique, culturel et militaire si peu propice ? La révolution
ne se fait pas en un jour, alors pourquoi douter que les Kurdes
parviennent à construire un autre futur d’émancipation ? Leur expérience
est un exemple, non un modèle, pour sortir de l’impasse dans laquelle
se trouve le mouvement social.